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Contrat de travail conclu pendant la période d’observation : inopposabilité à la procédure collective

Affaires - Commercial
13/06/2022
Alors que le débiteur placé en redressement judiciaire n’avait le pouvoir d’exercer seul que les actes de gestion courante, non inclus dans la mission de l’administrateur judiciaire, et qui étaient nécessaires au fonctionnement quotidien de l’entreprise, ne peut être assimilée à un acte de gestion courante la conclusion par celui-ci d’un contrat de travail visant un emploi qualifié avec une rémunération relativement importante.
En application de l’article L. 622-3 du code de commerce, le débiteur placé en redressement judiciaire "continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur" ; sous réserve des dispositions des articles L. 622-7 et L. 622-13 du même code, "les actes de gestion courante qu'accomplit seul le débiteur sont réputés valables à l'égard des tiers de bonne foi".
 
L’appréciation des actes accomplis par le débiteur pendant la période d’observation relève des juges du fond : avec le présent arrêt, se pose la question de savoir si la conclusion d’un contrat de travail par le débiteur dans ce contexte peut constituer un acte de gestion courante.
 
Contrat conclu par le débiteur…

Par jugement du 5 février 2020, une SARL X… avait été mise en redressement judiciaire (puis en liquidation judiciaire le 7 octobre), avec désignation d’un administrateur judiciaire et d’un mandataire judiciaire.
 
Durant la période d'observation de la procédure de redressement, M. Y… avait été engagé en qualité de plombier chauffagiste par la société X… – représentée par son gérant – dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2020. Par courrier du 19 octobre suivant, le mandataire liquidateur avait informé M. Y… de la rupture de son contrat de travail pour motif économique, sous réserve de la validité et de la reconnaissance de ce contrat par le tribunal de commerce.
 
M. Y… ayant saisi le conseil de prud'hommes aux fins d’obtenir, notamment, la reconnaissance de l'opposabilité de son contrat de travail au mandataire liquidateur ainsi qu'à l’AGS et la fixation de sa créance à la liquidation judiciaire de la société X…, un jugement du 12 avril 2021 avait fait droit à sa demande.

Le mandataire liquidateur a contesté ce jugement en soutenant :
— que le CDI de M. Y…, en ce qu'il avait été conclu le 1er juillet 2020 sans l'assistance de l'administrateur judiciaire, n'était pas valablement formé, aucune ratification postérieure n'ayant eu lieu ;
— et qu'un tel acte ne pouvait être considéré comme un acte de gestion courante au regard de l'impact sur les finances de l'entreprise, notamment en raison de la nature de l'emploi de M. Y…
 
La cour d’appel infirme le jugement du conseil de prud’hommes en toutes ses dispositions.
 
… sans l’assistance de l’administrateur judiciaire

Ayant relevé :

— que le jugement d’ouverture en date du 5 février 2020 prévoyait l'assistance du débiteur par l'administrateur judiciaire, 

— que la SARL X… était en redressement judiciaire quand le contrat de travail a été conclu par le gérant, sans l'assistance de l'administrateur judiciaire,

— qu’il s'agissait d'un emploi qualifié avec une rémunération relativement importante, alors que l'employeur se trouvait dans une situation financière et juridique délicate,
 
et alors que le débiteur n'avait le pouvoir d'exercer seul que les actes de gestion courante, non inclus dans la mission de l'administrateur judiciaire, et qui étaient nécessaires au fonctionnement quotidien de l'entreprise, les juges du fond considèrent que la conclusion de ce contrat de travail ne peut être assimilée à un acte de gestion courante.

M. Y… est débouté de ses demandes à l'exception de celle d'indemnisation de son préjudice causé par l'inopposabilité de son contrat de travail à la procédure collective ; sa créance dans la liquidation judiciaire de la SARL X… est fixée à la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts, cette créance étant exclue de la garantie de l'AGS.
Source : Actualités du droit