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Sort des remboursements de prêt effectués par le débiteur après sa mise en liquidation ?

Affaires - Commercial
10/09/2021
L’action en nullité de plusieurs paiements d’échéances successives de remboursement d’un prêt opérés après le jugement d’ouverture de la procédure collective doit être engagée dans le délai de trois ans suivant chaque paiement d’échéance argué de nullité. Toute compensation est exclue entre la dette de restitution consécutive à l’annulation d’un paiement et la créance admise au passif du débiteur.
Aux termes de l’article L. 622-7 du code de commerce, "le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes" (I). Tout paiement passé en violation de cette disposition est annulé à la demande de tout intéressé présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion du paiement de la créance (III).
 
Dans la présente affaire, la Cour de cassation rappelle les modalités d’application de cette règle.
 
Poursuite du règlement d’échéances de prêt
 
M. et Mme X… ayant souscrit un prêt auprès de l’établissement de crédit Y… le 31 décembre 2009, et M. X… ayant été mis en liquidation judiciaire le 4 octobre 2010, l’établissement prêteur avait déclaré sa créance au titre du solde restant dû sur le montant du prêt. Les époux X… ayant poursuivi le règlement des échéances de remboursement de ce prêt après l'ouverture de la liquidation judiciaire, et ce jusqu'au mois d'août 2016, le créancier avait dressé un décompte des sommes restant dues arrêté au 23 octobre 2017.
 
Le 16 janvier 2018, le liquidateur avait assigné l’établissement Y… devant le tribunal de commerce et demandé l'annulation des paiements intervenus après le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de M. X… ainsi que la restitution des sommes payées. Par jugement du 14 novembre 2018, le créancier avait été condamné à payer au liquidateur une certaine somme au titre des échéances réglées d’octobre 2010 à septembre 2016 (soit 35 556,48 euros) ; il avait alors interjeté appel de ce jugement.
 
Infirmant partiellement le jugement déféré, la cour d’appel, considérant que l'action en annulation et en restitution de paiements était prescrite pour les paiements intervenus avant le 16 janvier 2015, a condamné l’établissement Y… à restituer au liquidateur la somme correspondant aux sommes encaissées au titre du remboursement entre le 16 janvier 2015 et le 10 octobre 2016 (soit 9 483,53 euros), cette créance de restitution devant se compenser avec les sommes dues au prêteur déclarées au passif de la liquidation judiciaire (CA Grenoble, 16 janvier 2020, n° 18/05145, Lamyline).
 
Soutenant que l'action en annulation des paiements se prescrit par trois ans à compter du dernier paiement reçu par le créancier, la créance étant indivisible, et reprochant à la cour d’appel d’avoir fait droit à l'exception de compensation opposée par l’établissement Y…, le liquidateur s’est pourvu en cassation.
 
Délai de prescription de trois ans
 
Ainsi que l’énonce la Haute juridiction, "il résulte de l'article L. 622-7, III, du code de commerce que le délai de prescription de trois ans de l'action en nullité du paiement d'une créance opéré en violation du I de ce texte courant à compter de ce paiement, l'action en nullité de plusieurs paiements d'échéances successives de remboursement d'un prêt doit être engagée dans le délai de trois ans suivant chaque paiement d'échéance argué de nullité".
 
C’est ainsi à juste titre que la cour d’appel retient que l’action introduite par le liquidateur le 16 janvier 2018 ne peut porter que sur les échéances du prêt payées à l’établissement Y… par le débiteur à partir du 16 janvier 2015 : la demande de remboursement des échéances antérieures à cette date est prescrite.
 
Égalité entre les créanciers
 
Quant à la compensation, la cour d’appel, en retenant que les créances de l’établissement Y… résultant des échéances du prêt impayé et celles de la liquidation judiciaire résultant de paiements intervenus en contravention avec le principe d’interdiction des paiements étaient connexes, ayant pris naissance à l'occasion d'un ensemble contractuel unique, a statué en violation de l’article 1347 du code civil et des articles L. 622-7, L. 622-20, alinéa 4, et L. 643-8 du code de commerce.
 
En effet, souligne la Cour de cassation, les sommes recouvrées par le liquidateur au titre de la restitution par le créancier du montant des paiements opérés par le débiteur en violation des dispositions de l’article L. 622-7 du code de commerce – rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-3 du code de commerce –, "dont la nullité a pour but de rétablir l'égalité entre les créanciers soumis à la discipline collective, entrent dans le patrimoine du débiteur et sont destinées à être réparties entre tous les créanciers. Toute compensation est donc exclue entre la dette de restitution consécutive à l'annulation d'un paiement et une créance admise au passif du débiteur".
 
L’arrêt est cassé sur ce point, sans qu’il y ait lieu à renvoi.
 
Pour aller plus loin
Pour des développements complémentaires sur la règle d’interdiction des paiements, se reporter aux nos 3365 et s. de l’édition 2021 du Lamy droit commercial.
Source : Actualités du droit